Inspection du travail

CE, 4 novembre 2020, Société Lidl, n° 428198, mentionné aux tables :

Salarié protégé – Illégalité d’un refus d’autorisation de licenciement pour vice de procédure et conditions d’engagement de responsabilité de la puissance publique.

Aux termes de cette décision, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que « [l]e refus illégal d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard de l’employeur, pour autant qu’il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain » (cons. 2 de la décision).

Toutefois, le Conseil d’État précise ensuite que, lorsque l’illégalité du refus d’autoriser le licenciement résulte d’un vice de procédure, « il appartient au juge de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d’une procédure régulière » (cons. 2 de la décision).

Pour le dire autrement, si la décision, illégale sur le plan procédural, était en tout état de cause justifiée sur le fond, l’employeur ne saurait prétendre obtenir réparation.

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CAA Lyon, 15 juin 2020, Société Tecno S.P.A., n° 18LY02744

Salariés détachés – Obligation de vigilance mise à la charge du donneur d’ordre (article L. 1262-2 et s. du code du travail).

1 – L’article L. 1262-2-1 du code du travail fait obligation à l’employeur qui entend détacher ses salariés, d’une part, d’adresser une déclaration, préalablement au détachement, à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation et, d’autre part, de désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents de l’inspection du travail pendant la durée de la prestation.

Pour sa part, l’article L. 1262-4-1 du même code met à la charge du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage une obligation de vigilance, consistant à vérifier avant le début du détachement que le prestataire étranger s’est formellement acquitté de la communication à l’administration de la déclaration de détachement de salariés et de la désignation de son représentant en France.

2 – Aux termes de l’arrêt commenté, la cour administrative d’appel de Lyon juge que l’obligation de vigilance mise à la charge du donneur d’ordre par les dispositions précitées de l’article L. 1262-4-1 « n’excède pas la vérification, avant le début du détachement, de ce que le prestataire étranger s’est formellement acquitté de la communication à l’administration de la déclaration de détachement des salariés et de la désignation de son représentant en France» (cons. 7 de l’arrêt).

Surtout, les juges d’appel précisent que « le manquement à l’obligation de vigilance du donneur d’ordre est constitutif d’une seule incrimination qui ne saurait se dédoubler en fonction du nombre de documents non communiqués et n’est passible, par opération, que d’une seule amende dont le tarif unitaire ne peut être multiplié que par le nombre de salariés » (cons. 7 de l’arrêt).

3 – En l’espèce, et tirant les conséquences de ce qui précède, la cour administrative d’appel juge ainsi que le directeur de la DIRECCTE Rhône-Alpes ne pouvait dédoubler l’amende infligée à l’entreprise requérante « au seul motif que la vigilance du donneur d’ordre était défaillante au regard de la déclaration de détachement par le prestataire et de la désignation d’un représentant», ces deux manquements constituant en réalité une incrimination unique (cons. 9 de l’arrêt).

Il annule donc le jugement du tribunal administratif qui, pour sa part, avait considéré que chacun de ces manquements pouvait bien faire l’objet d’une amende distincte (TA de Lyon, 17 mai 2018, n° 1608576).

4 – La position adoptée par la cour administrative d’appel de Lyon est partagée par d’autres juridictions du fond (v. en particulier ; CAA Nancy, 2 juillet 2020, n° 18NC01659, cons. 4 ; CAA de Douai, 15 avril 2020, n° 19DA00920, cons. 4).

Il reste à voir, néanmoins, si cette lecture des dispositions du code du travail se trouvera confirmée par le Conseil d’État, lequel se trouve actuellement saisi d’un pourvoi introduit par le ministre du travail à l’encontre de l’arrêt commenté.

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Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-787 QPC du 7 juin 2019 :

Salariés protégés – Conformité à la Constitution du premier alinéa de l’article L. 1232-6 du code du travail.

Question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du premier alinéa de l’article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi 29 mars 2018, lesquelles prévoient que : « Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. »

Le requérant faisait valoir notamment que, en tant qu’elles n’ont pas prévu un dispositif de nature à faire obstacle à ce que l’employeur puisse prononcer le licenciement du salarié protégé avant que le juge administratif des référés ait statué sur une éventuelle demande de suspension de l’exécution de l’autorisation administrative de licenciement, les dispositions précitées du code du travail méconnaissent le droit à un recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789.

En effet, ainsi que le rappelait le requérant, il résulte d’une jurisprudence constante du Conseil d’État que l’autorisation de licenciement doit être regardée comme entièrement exécutée dès que l’employeur a envoyé la lettre de licenciement au salarié (v. par ex : CE, 7 décembre 2009, n° 327259, mentionné aux tables), de sorte que la demande de suspension présentée postérieurement à un tel envoi est nécessairement rejetée comme irrecevable (v. par ex : CE, 23 mars 2005, n° 270268).

Le Conseil constitutionnel écarte toutefois ce grief.

Il juge en effet qu’« en dépit de l’absence de suspension de la décision administrative autorisant le licenciement, le juge administratif saisi du recours au fond contre autorisation peut, le cas échéant, en prononcer l’annulation » (cons. 10), le salarié protégé bénéficiant alors, dans ce cas, d’une « réintégration de plein droit dans son emploi ou dans un emploi équivalent » (cons. 11) ainsi que d’une indemnisation couvrant « la période écoulée entre le licenciement et les deux mois suivant la notification de l’annulation de l’autorisation administrative de licenciement » (cons. 13).

Si le raisonnement retenu par le Conseil constitutionnel était prévisible, il n’en demeure pas moins discutable, et ce d’autant qu’il consacre un régime où les salariés « ordinaires » – lesquels disposent toujours de la possibilité de saisir le juge judiciaire des référés –  se trouvent dans une situation plus favorable que les salariés protégés – lesquels se trouvent privés de tout accès à un juge des référés, qu’il soit administratif ou judiciaire –, sans qu’aucun motif d’intérêt général ne paraissent justifier une telle différence de traitement.

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CE, 19 juillet 2017, Société Subventium, n° 389635, mentionné aux tables :

Salarié protégé – Demande d’autorisation de licenciement et information du salarié concerné.

En application des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mener une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat.

Aux termes de cette décision, le Conseil d’État précise que le caractère contradictoire de cette enquête impose à l’autorité administrative « d’informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l’identité des personnes qui en ont témoigné » et de le mettre en mesure « de prendre connaissance de l’ensemble des pièces produites par l’employeur à l’appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l’inspecteur du travail de cette obligation ».

S’agissant d’une garantie au sens de la jurisprudence Danthony, c’est ainsi uniquement « lorsque l’accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l’inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ».

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CE, 19 juillet 2017, Société Artec et autres, n° 398517, publié au Recueil :

Organisme de formation professionnelle – Nature de la décision annulant la déclaration d’activité.

La réalisation de prestations de formation professionnelle continue au sens de l’article L. 6313-1 du code du travail est subordonnée à une déclaration préalable d’activité, que l’administration enregistre, sauf pour des motifs tenant soit à l’absence de conformité des prestations envisagées ou des conditions de leur réalisation aux dispositions législatives régissant de telles prestations, soit à l’absence de production des pièces justificatives.

Au vu des constatations effectuées lors d’un contrôle, l’absence de conformité des prestations réalisées, des conditions de leur réalisation ou du fonctionnement de l’organisme de formation aux dispositions régissant cette activité peuvent justifier que l’enregistrement de la déclaration d’activité soit, selon les termes de l’article L. 6351-4 du code du travail, annulé par l’autorité administrative, ce qui a pour effet de mettre fin à cet enregistrement pour l’avenir.

Une telle annulation, qui se borne à tirer les conséquences de ce que l’organisme a cessé de satisfaire aux conditions d’enregistrement de sa déclaration d’activité ne constitue pas une sanction mais une mesure de police administrative.

Il en résulte que ne peut notamment être utilement invoqué à l’encontre d’une telle décision d’annulation le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.

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CE, 30 mai 2016, n° 387338, publié au Recueil :

Salarié protégé – Obligation de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

Le Conseil d’État avait déjà jugé qu’il appartient à l’employeur de rechercher, pour le salarié protégé déclaré inapte par le médecin du travail, toute possibilité de reclassement tant dans l’entreprise qu’au sein de l’ensemble du groupe à laquelle elle appartient, « au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail » (CE, 7 avril 2011, n° 334211, publié au Recueil).

Aux termes de cette décision, il précise que le seul fait, pour un employeur, d’avoir proposé au salarié déclaré inapte au moins un emploi conforme aux recommandations du médecin du travail ne permet pas d’en conclure que celui-ci s’est livré à une recherche sérieuse de reclassement.

L’entreprise doit en effet, quoi qu’il en soit, être en mesure de faire état de toutes les possibilités existant en son sein ainsi qu’en celui des autres entreprises appartenant au même groupe afin de permettre à la juridiction d’apprécier correctement le caractère sérieux des recherches.

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CE, 27 mars 2015, Gonçalvez c. Veolia Transport, n° 368855, mentionné aux tables :

Salariés protégés – Motifs du licenciement pour faute.

Confirmation de ce qu’une demande d’autorisation de licencier un salarié protégé peut être fondée sur des faits liés à l’exercice des fonctions représentatives dès lors que la nature de ces faits rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, eu égard notamment à la nature des fonctions de l’intéressé et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail (v., déjà en ce sens : CE, 4 juillet 2005, Patarin, n° 272193, publié au Recueil).

En l’espèce, salarié protégé ayant, lors d’une suspension de séance du comité d’établissement, assené un violent coup de tête à un autre salarié.

Le Conseil d’État juge que « cet acte de violence délibérément commis sur la personne d’un collègue sur le lieu du travail, même à l’occasion des fonctions représentatives de l’intéressé, doit être regardé comme une méconnaissance par celui-ci de son obligation, découlant de son contrat de travail, de ne pas porter atteinte, dans l’enceinte de l’entreprise, à la sécurité d’autres membres du personnel ».

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CE, 19 octobre 2012, Prieto, n° 334588, mentionné aux tables :

Salariés protégés – Motifs du licenciement pour faute.

Lorsqu’un employeur demande à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande des motifs justifiant, selon lui, le licenciement

L’inspecteur du travail ne peut pas, pour sa part, autoriser le licenciement se fonder sur d’autre motifs que ceux énoncés dans la demande.