Professions réglementées / contentieux ordinal

CE, 29 juillet 2022, n° 458168, mentionné aux tables :

Le garde des sceaux, ministre de la justice peut consulter le procureur de la République aux fins de savoir si une personne demandant sa nomination en qualité de notaire n’est pas l’auteur de faits contraires à l’honneur et à la probité.

1 – Exercer la profession de notaire suppose, en vertu du 2° de l’article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, de « [n’] avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur et à la probité ».

C’est au garde des sceaux, ministre de la justice qu’il appartient, avant de faire droit à une demande de nomination en qualité de notaire, de s’assurer du respect de cette condition.

Dans l’état du droit antérieur, le décret précité du 5 juillet 1973 prévoyait expressément la consultation préalable du procureur général, lequel recueillait alors l’avis motivé de la chambre des notaires sur la moralité du candidat, ses capacités professionnelles et ses possibilités financières, avant de transmettre le dossier au garde des sceaux auquel il joignait son avis motivé.

Cette consultation préalable du procureur général a néanmoins expressément été supprimée par le pouvoir réglementaire.

Dans sa version actuelle issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, l’article 47 du décret précité du 5 juillet 1973 prévoit en effet désormais la consultation du seul bureau du Conseil supérieur du notariat, à ce dernier devant communiquer au garde des sceaux, « dans les vingt jours suivant sa demande, toute information dont il dispose permettant d’apprécier les capacités professionnelles et l’honorabilité de l’intéressé. »

2 – Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, le requérant, qui avait sollicité sa nomination en tant que notaire associé, s’est vu opposer un refus du garde des sceaux le 3 mai 2021.

Le demandeur avait en effet été l’auteur de faits de violence volontaire commis sur son ex-conjoint quatre ans auparavant que le ministre a regardés comme étant contraires à l’honneur et à la probité.

De tels faits avaient été portés à la connaissance du garde des sceaux par le procureur général près la cour d’appel de Paris, lequel avait en outre émis un « avis réservé » sur la nomination.

Or, ainsi qu’il a été rappelé précédemment, le décret précité de 1973 ne prévoit plus, désormais, la consultation du procureur général avant qu’il soit statué sur une demande de nomination en qualité de notaire.

Devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, puis devant le Conseil d’État, le requérant a ainsi soutenu que la décision de refus de nomination était entachée d’un vice de procédure, le ministre s’étant inscrit, à tort, dans le cadre de la procédure applicable antérieurement à la réforme introduite par le décret du 20 mai 2016.

3 – Contre l’avis de son rapporteur public, M. Nicolas Agnoux, le Conseil d’État a toutefois rejeté le pourvoi de l’intéressé et jugé que les dispositions de l’article 47 du décret précité, dans leur nouvelle rédaction, « ne s’opposent pas à ce que, aux fins d’apprécier si le demandeur remplit la condition prévue au 2° de l’article 3 de n’avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur et à la probité, le ministre de la justice recueille d’autres informations que celles dont dispose le bureau du Conseil supérieur du notariat sur l’honorabilité du candidat et, en particulier, sollicite le procureur de la République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le candidat exerce ses fonctions aux fins de savoir si ce dernier a été mis en cause pour de tels faits » (cons. 5 de la décision).

Une telle solution, qui donne les mains libres au garde des sceaux, apparaît contestable.

D’une part, en effet, parce qu’elle remet en cause une jurisprudence solidement établie en vertu de laquelle, si l’administration reste libre, en principe, de recueillir tout avis qu’elle estime utile de recueillir avant de prendre une décision, il en va autrement lorsqu’un texte fixe la procédure de manière complète (CE, Sect., 8 janvier 1982, SARL Chocolat de régime Dardenne, n° 17270, publié au Recueil ; v. également, en ce sens : CE, 19 mai 1993, Waendendries, n° 86743, publié au Recueil).

D’autre part, parce qu’elle semble contrevenir directement à l’intention des auteurs du décret de 2016 : comme le soulignait en effet le rapporteur public aux termes de ses conclusions prononcées dans la présente affaire, « le choix opéré par le pouvoir réglementaire, consistant à soustraire le procureur de la procédure en confiant au seul bureau du conseil supérieur du notariat le soin de se prononcer sur l’honorabilité du candidat, a bien eu pour effet d’agrandir, en quelque sorte, la maille du filet et, potentiellement, de ne laisser le ministre tenir compte que des seuls faits susceptibles, compte tenu de leur gravité, d’avoir été portés à la connaissance de l’ordre ».

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CE, 5 juillet 2022, n° 448015, Mme E., mentionné aux tables :

Signalement de maltraitance d’un mineur par un médecin – Pas de poursuite disciplinaire sauf mauvaise foi établie.

Un médecin ne peut être poursuivi devant les juridictions disciplinaires à raison d’un signalement de maltraitance d’un mineur lorsqu’il a fait son signalement conformément aux termes de la loi – articles 226-13 et 226-14 du code pénal – et qu’il a agi de bonne foi.

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CE, 6 mai 2019, n° 408517, mentionné aux tables :

Centres de santé et codes de déontologie des professions médicales.

Les centres de santé ne sont pas soumis aux obligations fixées par les codes de déontologie élaborés, en application des dispositions de l’article L. 4127-1 du code de la santé publique, pour chacune des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme.

Par suite, en jugeant, pour prononcer à l’encontre du requérant une sanction disciplinaire, que le centre de santé dont il préside l’organisme gestionnaire avait, en publiant des messages promotionnels, méconnu l’obligation déontologique posée par l’article R. 4127-215 du même code en vertu duquel la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce, la chambre disciplinaire nationale a entaché sa décision d’erreur de droit.

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CE, 24 octobre 2018, n° 404660, mentionné aux tables :

Médecins – Possibilité pour la juridiction disciplinaire de se saisir de faits non dénoncés dans la plainte.

Les juridictions disciplinaires de l’ordre des médecins, saisies d’une plainte contre un praticien, peuvent légalement connaître de l’ensemble du comportement professionnel de l’intéressé, sans se limiter aux faits dénoncés dans la plainte ni aux griefs articulés par le plaignant.

À ce titre, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins peut légalement se fonder, pour infliger une sanction à un médecin, sur des griefs nouveaux qui n’ont pas été dénoncés dans la plainte soumise à la chambre disciplinaire de première instance, à condition toutefois d’avoir mis au préalable l’intéressé à même de s’expliquer sur ces griefs.

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CJUE, 4 mai 2017, Luc Vanderborght, affaire C-339/15 :

Profession de santé, publicité et droit de l’Union européenne.

L’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – lequel interdit les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union – doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires.

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CE, 20 mars 2017, n° 390889,  mentionné aux tables :

Médecins – Obligation de faire appel, s’il y a lieu, à des tiers compétents.

L’article R. 4127-32 du code de la santé publique prévoit que, dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents.

Dans cette affaire, le Conseil d’État juge que constitue un manquement à cette obligation déontologique, eu égard à la gravité de l’affection dont le patient était atteint et à la durée de la période en cause, le fait pour un médecin de s’être abstenu, pendant plus de seize ans, de faire appel à des tiers compétents pour évaluer l’évolution de l’affection de son patient ainsi que les différents traitements qu’il aurait été possible de prescrire.

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CE, 18 mars 2015, n° 373406 :

Professions médicales – notion d’honoraires abusifs au sens de l’article L. 145-2 du code de la sécurité sociale.

Rappel de de ce que constituent des honoraires abusifs ceux qui sont réclamés pour un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu’alors même qu’il a été effectivement pratiqué il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le montant est établi sans tact ni mesure.

Il appartient ainsi à la section des assurances sociales de rechercher si les honoraires qu’elle a jugés abusifs remplissent l’une de ces conditions.

En l’espèce, en jugeant que le fait d’effectuer des actes de « blocs sympathiques » au-delà du nombre maximum fixé par la classification commune des actes médicaux était, en raison de ce que ces actes n’avaient pas vocation à être remboursés par l’assurance maladie, constitutifs d’un abus d’honoraires, la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins a entaché sa décision d’une erreur de droit.

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CE Ass., 30 décembre 2014, n° 381245, publié au Recueil :

Poursuites pénales, poursuites disciplinaires ordinales et sursis à statuer.

Il appartient en principe au juge disciplinaire de statuer sur une plainte dont il est saisi sans attendre l’issue d’une procédure pénale en cours concernant les mêmes faits.

Cependant, il peut surseoir à statuer si une telle mesure est utile à la qualité de l’instruction ou à la bonne administration de la justice.

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CE, 23 décembre 2014, n° 373115 :

Prescription des faits et office du juge de la section des assurances sociales.

Conformément à l’article R. 145-17 du code de la sécurité sociale, devenu l’article R. 145-22, les sections des assurances sociales des conseils régionaux ou interrégionaux des médecins sont saisies dans le délai de trois ans à compter de la date des faits.

Le moyen tiré de la prescription des faits reprochés doit être soulevé d’office par la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins.

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CE, 19 octobre 2011, n° 333854 :

Médecins – Autorisation d’exercer sur un site distinct de la résidence professionnelle habituelle.

Pour vérifier si la condition posée par l’article R. 4127-85 du code de la santé publique tenant à l’existence d’une « carence » ou d’ « une insuffisance de l’offre de soins » dans le secteur géographique concerné est remplie, il appartient au conseil de l’ordre des médecins  saisi d’une demande de prendre en considération la densité médicale locale, et, ainsi notamment, la distance séparant les praticiens d’une même discipline.

Par ailleurs, la densité médicale doit également être appréciée au regard des spécificités de la discipline en cause et de l’importance de la population locale (v. par ex : CE, 30 janvier 2012, n° 337895).

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CE, 29 avril 2009, n° 292473 :

Comptables – Détournement de clientèle.

Le détournement de clientèle ne peut être disciplinairement sanctionné qu’en cas d’acte déloyal dument démontré.

Ainsi, la seule circonstance que l’embauche d’un comptable par une société concurrente s’est accompagnée du transfert d’un nombre important de clients ne permet pas, par elle-même, d’établir une manœuvre constitutive d’une faute.